Votre marque devrait avoir mal aux dents.

Qu’est ce qui fait qu’on est soi et pas un/une autre ? En d’autres termes qu’est ce qui nous façonne, nous polit ? Cette question me fascine. Alchimie  mystérieuse que celle à l’œuvre dans le processus de création d’une identité ! Car oui, il y  a un peu de poudre de perlimpinpin… Un zest d’inné et beaucoup de construction dans tout cela. Même si elles peuvent devenir envahissantes, nos identités ne sont pas  de ces fleurs sauvages qui poussent de manière désordonnée. Au hasard du chemin. Quand j’y pense, cela me donne le vertige. Le monde m’apparait soudain comme la somme, la soustraction, la division, la multiplication, la réplication de toutes ces identités, ces mois projetés et lâchés là, en pleine nature. Au fond ne s’agirait-il pas d’une seule et même personne ? Non. N’arrêtez pas votre lecture. Je ne verserai pas dans la science-fiction. Je ne m’improviserai ni philosophe, ni moraliste, ni anthropologue ou quoi que ce soit d’autre. Un poil bucolique, je vous le concède. Mais au-delà des fleurs de rhétorique ou des fleurs des champs, il reste cette question de l’identité. Elle me taraude. Pourquoi ?

Scaphandrier

C’est pour une part mon métier. Créer des identités -de marque. (du pareil au même, nous le verrons). Mais aussi un cheminement intérieur qui m’interroge sur moi-même. Ce que nous sommes, qui nous sommes  (évidemment un état jamais linéaire, trop facile) a le pouvoir incroyable d’influer sur le monde. De modifier perceptions, réalités, résultats.

Ainsi, lorsque je me vois confier la création d’une identité de marque (individu ou entreprise), je me mets en mode démiurge.  J’endosse le brief comme on enfilerait une combinaison de plongée. Je l’envisage à la manière d’ un parcours exploratoire, quasi initiatique. Une manière de peler l’oignon. De faire affleurer une belle âme, un individu fait de chair, de sang, de mémoire, de beauté. De questionnement et de doute.  Parfaitement de doute. Dont les actes auront la capacité de nous faire avancer. Collectivement. C’est ce que l’on attend des marques. J’assume donc entièrement mon tropisme : les anthropomorphiser.

Rien de nouveau sous le soleil , me direz-vous. Vous avez absolument raison ! Certaines marques ont maitrisé l’exercice avec brio (la bouteille de Perrier qui pleure, vous vous souvenez ?) et une littérature prolifique existe à ce sujet depuis une vingtaine d’années.

  • Dès 2010, @Adamwaytz, psychologue et enseignant à la Northwestern University’s Kellogg school of management souligne que le processus d’humanisation des marques fait de celles-ci des entités conscientes, réfléchies et intentionnelles. Avec lesquelles les gens peuvent potentiellement construire des relations sociales ;
  • La même année, Chandler et Schwarz démontrent qu’anthropomorphiser les marques réduit considérablement la possibilité et l’envie de les remplacer ;
  • Dans son papier sur l’anthropomorphisme et la réalité augmentée dans le secteur du retail en 2019, Van Esch quant à lui indique comment l’anthropomorphisation des expériences rend les individus plus susceptibles de développer une attitude positive vis-à-vis des marques. En particulier lorsqu’il s’agit d’une nouvelle technologie ;
  • Enfin, humaniser les marques renforce la connexion émotionnelle et le sentiment d’identification des publics à leur égard, rappellent Tuskej et Podnar en 2018, à la suite de tant d’autres…

Les marketeurs ont allègrement surfé sur la vague ; la synthétisant dans le concept de Brand persona, une personnalité fictive censée représenter la marque et de manière projective, son public . Bref il semblerait que tout ait été dit et que j’arrive trop tard.

Pas vraiment.

De nombreuses marques continuent de nous offrir des ersatz d’humanité, cousue de fil blanc. Du vivant plaqué sur de la mécanique 😊. Humaniser une marque devrait épouser les complexités de l’humain même !

Je m’intéresse ainsi à tout ce qui peut entrer en jeu dans l’élaboration d’une identité : la conscience que la marque a d’elle-même, le langage, la mémoire, l’histoire, le patrimoine génétique (!!!), le physique, le métaphysique… Vous avez compris le tableau. Une identité, c’est important. Ça doit avoir de l’épaisseur, de la texture et de la saturation. Une température. Pour pouvoir prétendre changer le monde. Quel que soit son champ d’action. Et pour les identités de papier, inflammables, jetables… Passez votre chemin !

L’enfer ce n’est pas toujours les autres

Comment appréhender notre identité/singularité autrement que dans la relation que nous entretenons avec les autres ? Avec leurs idées, leurs actes ou leur productions ? Appartenance, opposition, prolongement ou un peu des trois. Penser à Mc Do et à Burger King qui s’autonourrissent depuis des années. Dans un registre moins prosaïque, un autre exemple. Il se situe  au 7 rue Notre dame de Nazareth, à Paris.

Chez Afikaris galerie d’art, jusqu’au 17 septembre, plusieurs artistes interrogent l’œuvre de leurs illustres prédécesseurs. Se les réapproprient. Les laissent cheminer en eux librement. Au gré du pinceau. Pour trouver et exprimer de nouvelles trajectoires personnelles. Ainsi, « PO. Box Plan d’aide humanitaire@yahoo.fr », du jeune camerounais Jean David Nkot, réinterprète « la mise au tombeau » du Caravage, de 420 ans son aîné. Pour mettre en lumière (ce bleu !) le corps du travailleur crucifié, exploité. Sacrifié sur l’autel de l’extraction des matières premières.

Plus loin, le Nigérian Matthew Eguavoen reprend à son compte la tradition emblématique de la  photographique de studio à la Seydou Keita pour explorer son rapport à la paternité et faire résonner la voix du père. Même à des kilomètres. Que l’on peut entendre quand on a quitté son continent et que l’on a besoin de  re-pères (?!). Une manière de remettre ses racines, son identité au centre de la toile.

« Who gets to swim » du ghanéen Richard Mensah questionne les inégalités sociales dans son pays via le motif de la piscine, apanage des classes aisées. L’œuvre de David Hockney lui offre ainsi un espace de réflexion qu’il réinvestit pour penser l’identité sociale.

Je ne vous apprends rien. Au-delà de l’intérêt des œuvres exposées, cette mise en lien et cette intertextualité sont #classiques. L’appropriation et/ou la réinterprétation d’œuvres existantes ?  Un terreau fertile pour les artistes depuis la nuit des temps ! Mais pas seulement. Pour nous tous.

Notre identité s’origine dans nos lectures, dans tout ce que nous voyons, entendons. Se nourrit de ce que les autres autour de nous sont ou ne sont pas, disent ou ne disent pas.  Nos identités s’échafaudent dans une intertextualité/hypertextualité permanentes. (transformation d’un matériau existant, avez-vous lu Palimpsestes de Genette ?). Elles font de nous des patchwork(s) culturels hybrides, souvent sinueux, merveilleusement monstrueux.

 Et nous prolongeons cette intertextualité quand nous partageons du contenu, ‘taggons ‘ un individu, insérons des liens dans nos publications, parodions ou pastichons une vidéo sur Tik Tok. Ces liens nous révèlent, étalent cette matière qu’est la nôtre.

En quoi ceci impacte-t-il le travail d’identité de marque au juste ?

En tout. Vous initiez un travail sur votre marque ? Intégrez cette composante clé de votre identité.  Ne restez pas en surface. (c’est rassurant les surfaces). De quoi votre marque est-elle faite ? Quels sont ses motifs culturels ? Quelles sont, pour paraphraser le titre de l’ouvrage de Charles Mauron, ses métaphores obsédantes et ses mythes personnels ? Ses  référents culturels ? Son musée imaginaire ? Votre identité de marque se compose en réalité de micro-identités et de mythèmes porteurs. Exploitez-les !

Votre marque devrait avoir mal aux dents.

Concevez votre identité de marque comme un tissu vivant, qui respire, a des fantasmes et des insomnies. Et vous aurez une vraie identité marque. Avec de la signifiance. Celle-ci nourrira et densifiera vos prises de parole internes, externes, adjacentes, parallèles. Constituera un socle inépuisable de conversations puisque par définition notre identité est mouvante. Et ne doit pas, de ce fait se concevoir comme une unité fermée. Il n’est pas question ici d’utiliser des références culturelles dans votre communication, rien à voir. Mais de comprendre votre système hypertextuel, votre ancrage culturel, de les assumer et d’en faire une part indissociable de votre identité. Une marque humaine.

Alors qu’est ce qui fait de vous et pas un/une autre ? Vous.

Pour poursuivre la conversation, découvrez mon outil signature : le Brand alphabet. Nous explorerons ensemble le kaléidoscope qu’est votre marque, en ferons briller tous les fragments mobiles et colorés.

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