15h58. Cette précision vous est-elle utile? J’en doute. Elle a pourtant son importance. « Il y a toujours une première nuit » dit André Brink, un auteur que j’adore. Eh bien moi je clame : « il y a toujours une première heure. » Le moment où l’on prend la plume. Pas pour écrire un brief. Une recommandation. Une stratégie, un poème. Un énième concept. Pas même pour créer de la crédibilité ou augmenter mes chances d’ être vue, entendue, adulée, suivie. Je n’ai rien à vendre. Tout à partager : mon expérience, mon cheminement, mes petites et grandes trouvailles… en espérant entrer en résonance avec vos propres réflexions . Je ne peux vous garantir la régularité de l’exercice mais vous promets d’essayer . J’ai en effet la plume et le vers paresseux. Lorsqu’ils se prennent à rêvasser, le temps s’étire aussi ! Alors voilà : à 15H58, maintenant 16H05, je souhaite parler de …respect. Oui. Ce mot brandi, tel un bouclier. Une oriflamme. Sept lettres.
Quid du respect ?
Au cours de ma carrière protéiforme de communiquant (chez l’annonceur, en agence, hors les murs, droit-dans-le-mur, consultant, indépendant, salariée, non salariée, etc.) le terme respect s’avère probablement celui que j’ai le plus entendu prononcer. Et en proportion inverse, celui que j’ai vu le moins pratiquer. Il en est du respect comme de ces trompe-l’œil meublant, organisant et esthétisant le vide. Pourtant sans lui, impossible d’avoir une communication verbale, écrite, gestuelle efficace. #consciouscommunication
Respect et Regard
Ne vous méprenez pas ! je ne me réfère pas ici aux égards et civilités dont font preuve vos/nos collègues, partenaires, associé(e)s, clients, patrons/patronnes, interlocuteurs et employés. Le respect ne rime selon moi ni avec politesse ni avec bienséance ; il ne saurait se limiter à des courbettes de façade ou à quelque cérémonial convenu. Certes, nous avons l’obligation de nous respecter. Mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? Le respect fait signe vers autre chose d’encore plus essentiel. A preuve , son étymologie latine. Un radical « specere » = regarder et un préfixe « re » signifiant ‘arrière’, ‘derrière’. Le respect signifie littéralement regarder en arrière/derrière, ou « se retourner pour regarder ». A-Ah. Respecter implique donc une triple action et, je vous l’accorde, une petite part de contorsion :
1. S’extirper de son périmètre intérieur.
2. Changer de position.
3. Observer. En bref , porter les yeux sur ce qui se passe en dehors de soi.
Si ce n’est déjà le cas, je vous invite à intégrer cette gymnastique à votre routine quotidienne. #morningroutine
Qu’y a-t-il donc, là derrière lorsque l’on se retourne ?
Et, autre variante, y a – t-il vraiment un monde en dehors de soi ? Si l’on répond par l’affirmative (la réponse, contrairement à ce qu’on pourrait croire ne relève pas de l’évidence, vous l’avez déjà réalisé), bon signe ! L’espoir est de mise 😊. Car lorsque l’on accepte de se retourner, on se détourne de soi et on regarde les autres. (Je ne parle pas d’un coup d’œil ou d’un balayage latéral en mode survol). Les autres. Vies. Heures de travail. Talent. Lumière et ombre. Histoires. Océan. Volcans. Univers aux profondeurs insondables.
Seulement voilà, vous n’avez pas le temps.
Précision. Je ne vous invite pas à vous plonger tête baissée et à vous perdre dans ces abysses que sont les autres. Simplement à vous ouvrir à la possibilité et à la réalité de leur existence. Que l’on soit bien d’accord, le respect ne s’apparente pas à de la commisération, de la compassion ou de l’empathie… même si celui-ci a le pouvoir de les mettre en mouvement. Le respect met en jeu la reconnaissance réelle de l’existence et de l’importance de l’autre. Comme sujet et pas objet. Comme autre soi-même. Cette reconnaissance fait absolument toute la différence.
En 2018 d’ailleurs, 20 000 employés dans le monde classent le respect au premier rang des caractéristiques du leadership. (étude menée par @christineporath, professeur à l’univers de Georgetown). Il n’y a pas que les employés. Lorsque j’échange avec des entrepreneurs, le taux de conversion Respect/Euro s’affole. 1 once de respect équivaut à 5000 Euros. Et ça c’est le cours du jour 😊.
Vous ne vous sentez pas concerné.e ?
Vous estimez faire le nécessaire. Pas si vite ! Prôné comme valeur universelle, le respect (grosse difficulté) est aussi une notion subjective . Ce que vous considérez comme un comportement respectueux peut constituer une pratique inacceptable pour les autres. Question d’éducation, de culture. Ceci implique donc de se retourner pour regarder mais aussi d’y regarder à deux fois.
What’s in it for you?
Qu’y gagnerez-vous ? Je mesure le cynisme apparent de cette question.
- D’abord la satisfaction toute personnelle de vous être comporté.e en conscience. (mouais, je vous vois d’ici esquisser une moue boudeuse).
- Deuxièmement, la possibilité de créer les conditions d’une véritable communication. Car comment mettre en commun (la définition première du mot communiquer) quand on ne considère ou n’intègre pas l’autre ?
- Ensuite et plus essentiel encore, vous obtiendrez le respect en retour. Il ne s’achète pas. Et accomplit de véritables merveilles : loyauté indéfectible à votre business/projet, à votre personne, passion pour vos sujets, engagement et inputs décuplés. Déverrouillage de talent. Exponentiation de l’énergie créatrice et du génie collectif !
Livrez-vous par exemple, au décompte de toutes vos expériences professionnelles où le respect-tel que je l’entends- a fait défaut. Vous verrez combien son absence est destructrice de valeur. 48% des employés traités avec irrespect par exemple réduisent délibérément leurs efforts au travail de moitié ! Vous imaginez ce qui se passe dès lors avec vos partenaires, fournisseurs ou autre ! Vous mesurez les dégâts ? Sur votre image de marque ? Votre business ? Votre propension à générer du ‘Momentum’ ?
Je me suis amusée à interroger les uns/unes et autres autour de moi. Florilège :
- Un projet qui tient éveillé des mois durant : aucune nouvelle du client/partenaire des semaines après le lancement.
- Un silence assourdissant à la suite d’une série d’entretiens prometteurs. Une rémunération qui écrase, presse comme un citron.
- Un non-paiement qui engage la vie ou la mort. (physique ou sociale)
- Un contrat rompu sans préavis aucun. Une exploitation de travaux sans rémunération… Un licenciement inique laissant sur le carreau. Des propos humiliants . Des messages sans réponse. Une appropriation de contacts, réseaux…
- Un ton ou des attitudes condescendantes. De la prédation sexuelle. Un égoïsme tonitruant. Une mise sous pression extrême des fournisseurs ou des autres partenaires. Des pratiques abusives. Une parole rompue …
La liste est bien trop longue.
Un propos aporétique ?
Alors s’agit -il, c’est à la mode, de réinjecter de la morale dans le business ? Nombreux sont ceux (ils ne le diront pas haut et fort) qui estiment que la morale n’a rien à faire ou peu à voir avec le business. Que de le croire relève de la candeur. Pire, d’une forme de faiblesse. Il faudrait somme toute avancer, regarder droit devant. Jamais derrière. Mais derrière peuvent gésir des blessés, des morts. Des mini-drames qui ne font pas la couverture des journaux. Mais érodent durablement la confiance et l’image que l’on peut avoir de soi, des autres. Déclenchent une spirale de toxicité. Car ceux qui ne respectent pas ou plus, sont ceux-là mêmes qui n’ont pas été respectés.
A l’heure où le monde interroge notre mode d’appréhension au vivant, c’est le mode d’appréhension à l’autre qu’il s’agit au fond de reconsidérer. L’heure de se retourner. De regarder. De considérer qui et ce qu’on laisse derrière soi. L’heure aussi de nous souvenir de l’impératif catégorique Kantien : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». Au fond, la règle première du bien communiquer.
Il est 18H15.
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